Saturday 26 November 2011

Expo miniatures flamandes


By  guest blogger The Chained Servant.
J’ai toujours aimé les livres. L’objet, quelque soit le format, a toujours exercé une sorte de fascination chez moi. En même temps, le dessin m’a toujours plu et le must pour moi quand j’étais plus jeune, c’était la bande dessinée. C’est là où j’ai finalement appris à prendre du plaisir dans la lecture, à voyager dans les montagnes de Transylvanie, à chasser les indiens avec le caporal Blutch ou encore tomber dans les tréfonds de la cité-puits avec John Difool. Quelques années plus tard, quand je suis finalement passé à autre chose et que j’ai découvert que nos lointains aïeux, avant même Hergé, Moebius ou Christophe Blain, mettaient des dessins pour accompagner des textes dans des livres, dans un art qu’on nommait celui de la miniature, cela m’a d’abord intrigué puis franchement passionné. 
L’exposition sur les miniatures flamandes, qui se tient en ce moment à la Bibliothèque Royale de Belgique, avait donc tout pour m’attirer. Une fois l’entrée trouvée (ce qui ne fut pas simple dans mon cas, pauvre bruxpat que je suis) les centaines de pièces exposées dans une religieuse obscurité font prendre conscience au visiteur à quel point le livre, objet commun, voire technologiquement dépassé aujourd’hui, était sacré il y a plusieurs siècles au moment où il est apparu! 

En fait, et c’est là l’un des principaux mérites de cette exposition, on ne montre pas que des ouvrages anciens mais on explique aussi longuement au visiteur les nombreuses étapes et les corps de métier que nécessitaient la fabrication d’un manuscrit au 14ème siècle. Salles après salles, on comprend mieux la patience dont devaient s’armer copistes, relieurs, parcheminiers ou miniaturistes. Et, à ma grande surprise, les thèmes ne sont pas nécessairement toujours religieux, l’art du livre s’étant progressivement sécularisé : des personnages tout droit sortis de comtes populaires commencent à faire leur apparition, des bêtes curieuses, velues et crochues, probablement des ancêtres du marsupilami, se glissent dans les marges, et une scène cocasse, se laisse parfois découvrir, à qui sait jeter un œil curieux dans le dédale des motifs floraux et autres dorures. Les illustrations d’un roman de chevalerie, par exemple, étonnent par leur côté moderne et comique, voire coquin : un type regarde une nana par un trou dans un mur se déshabiller, après il se fait tabasser par son rival… bref, rien de forcément complètement désuet.
En fait, si le livre était sacré en ces temps reculés, c’est moins pour son contenu que parce qu’il était unique et difficile à fabriquer, il était donc coûteux, très coûteux ! C’est pourquoi on nous explique qu’au début, seuls les princes  pouvaient se constituer des bibliothèques, ils en commandaient l’histoire, engageaient les artisans et artistes qui réaliseraient le manuscrit, une fois terminé, ils se faisaient livrer l’objet directement par l’enlumineur qui lui tendait respectueusement et à genoux le fruit de son labeur (ca a plus de gueule qu’une livraison d’Amazon), le payaient une bonne grosse poignée de talents-or et collectionnaient le tout pour leur petit plaisir personnel. On les imagine potasser jalousement leurs ouvrages, tranquillement assis au coin du feu, dans leurs sublimes salons de lecture. La classe ! Depuis, les choses ont un peu changé, la présence de livres électroniques dans les vitrines de l’exposition, au côté de leurs ancêtres est là pour nous le rappeler. Ces petits écrans digitaux donnent de bien utiles explications, dommage que l’on ne puisse les manipuler et en tourner les pages soi même. 

Celles ci changent toutes les trente secondes environ, et on lit bien souvent la fin des légendes avant le début, bref, le voisinage de livres du 21ème et du 14ème siècles est plutôt savoureux mais pas exactement commode. L’autre particularité, c’est que la deuxième salle de l’exposition est située à l’extrémité du bâtiment, très loin de la première, si loin que des petits pas autocollants, posés au sol, guident le visiteur dans les longs couloirs, très fifties, de la Bibliothèque Royale.  L’exposition se transforme alors en quête.
Quand on découvre finalement la deuxième partie de l’expo, on est d’abord un peu déçu. Moins généreuse en explications et avec une lumière un peu cruelle pour les œuvres exposées, elle se révèle pourtant très complémentaire de la première salle. Ici, pas de livre électronique, pas de film, juste des manuscrits ouverts sur de magnifiques pages illustrées, parfois sublimes, juste de quoi s’abandonner dans une contemplation silencieuse.  A force de contempler d’ailleurs, je me suis soudain rendu compte que les textes étaient tout simplement écrits dans ma langue natale, mais dans un français du Moyen Age usant d’une calligraphie tellement ornementée et délicate que je parvenais à peine à saisir quelques mots, quelques phrases. C’est dommage car le roman de chevalerie avait l’air vraiment cocasse : rédigé dans une  langue si familière et pourtant si lointaine, il fourmillait d’expressions fleuries et mystérieuses, surtout pour un pauvre lecteur inculte d’aujourd’hui, tel que moi.
Quand je suis sorti finalement, après deux heures passionnantes et quelques dixièmes d’acuité visuelle en moins, je suis allé m’acheter un bouquin à la librairie Tropismes. Dedans, il n’y avait pas de dessin mais sous le code barre, il y avait écrit le prix : 20 euros, le numéro de série : 710345 et la date d’impression : 2010. Pas sûr qu’un prince du 14ème siècle l’aurait rangé dans sa bibliothèque privée… mais moi, en lecteur-manant du 21ème siècle, oui !
The Chain Servant is a blogger for Bruxpat. He has just moved to Brussels. When he is not busy wondering how to escape from his new work at the European Commission, he enjoys reading, cooking and above all cleaning.

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